28 octobre 2010

L’architecture en langue vietnamienne.

Je suis architecte.


J'étudie trop pour une profession où on apprend plus à la pratique, mais j'effleure quand même le travail, ici et là, maintenant à Tokyo, hier à Hanoi, au Vietnam.


Au Japon, c'est impossible de recevoir la moindre reconnaissance pour notre valeur professionnelle si on ne parle pas le japonais. Il faut plutôt apprendre à mettre notre sens critique à zéro, entrainer nos mains à accomplir des tâches comme le font les machines, tout en posant le moins de questions possible. Comme ça on nous fait bien comprendre que ça ne requérait effectivement aucune aptitude linguistique pour bosser chez les nippons. Je ne m'étalerai pas sur le Japon pour l’instant, mais pour des références sur les limites de l’amertume en sol asiatique, voir Stupeur et Tremblements (1999) d’Amélie Nothomb, ou bien sûr, Lost in Translation (2003) de Sofia Coppola.


Je choisis plutôt ici le Vietnam pour illustrer les quelques détours d’une langue étrangère dans la vie d'un jeune professionnel.


AH ! Le Vietnam.


J’y parle vietnamien, mais très modestement.

Je peux surtout y parler l’anglais avec une portée confortable. Ça fonctionne.

Mais je suis avant tout francophone. Et c’est là que ça devient rigolo.


L’architecture autre que celle vernaculaire (disons l’architecture au sens Beaux-Arts du terme) n’est pas réellement apparue au Vietnam avant que les français colonisent la région dans la deuxième moitié du 19e. Croyez moi, ceci est un billet qui essaie aussi d’être léger, je me permets donc quelques sauts chronologiques, pour dire qu’il existe au Vietnam toute une génération d’architectes (et donc de bâtiments) qui sont d’héritage « École des Beaux-Arts de Paris ». À un moment, le seul sceau d’architecte qui était valide était celui français. On gardait ainsi un bon contrôle sur la production architecturale. Les quelques pionniers vietnamiens qui ont pu aller étudier à Paris l’ont fait au moment où l’architecture mondiale passait de la « lourdeur » Beaux-Arts à la « légèreté » moderniste: un style international, avec des nouveaux procédés constructifs, des nouveaux outils, des nouveaux types de matériaux, des nouvelles technologies.




Que se passe-t-il alors, quand il faut trouver le vocabulaire pour cette nouveauté technique, dans une langue déjà à la portée du colonialisme ?



Vocabulaire Vietnamien …

… en Français

Bê tông

Béton

Xi măng

Ciment

Vít

Vis

Tuc nơ vít

Tournevis

Ê cu

Écrou

Bù loong

Boulon

Cờ lê / mỏ lét

Clé à molette

Cáp

Câble

Ê ke

Équerre

Com pa

Compas

Mét

Mètre

Lít

Litre

Am pe

Ampère

Đúp

Double

Ga

Gare

Xi lanh

Cylindre

Cao su

Caoutchouc

Vẹc ni

Vernis

Amiăng

Amiante

A xít

Acide

Ca rô

Carreau

Bi đông

Bidon

Ba lô

Ballot

Phin

Filtre

Pin

Pile (batterie)

Van

Valve

Ăng ten

Antenne

Côngtenơ

Conteneur

Lơ Cot-Buy-Giê

Le Corbusier

Ép phen

Eiffel

Ác si mét

Archimède


Et aussi pour la vie de tous les jours :


Gia nã đại

Canada

Giăm bông

Jambon

Kem

Crème glacée

Xà phòng

Savon

Phó mát

Fromage

Cát xét

Cassette

Sôcôla

Chocolat

Bích quy

Biscuit


Je ne connaissais que quelques mots, qui résonnent couramment dans le vocabulaire de tous les jours, mais je me suis aidé ici d’une liste relativement exhaustive trouvée sur un blog de jeune vietnamien. En bout de ligne, on y perd toutes idées de Beaux-Arts et même d'architecture. On bascule presque dans le "garagisme". Peu importe.


Dans toutes les langues, il y a beaucoup de mots en provenance des nouvelles technologies qui évidemment ont été internationalisés, mais ils sont presque toujours tirés de l’anglais.


Par exemple, cette semaine, j’apprenais à écrire en japonais (non, il n'est pas question du jeu de mots j'apprenais-japonais) :


コンピュータ, konpyuuta, computer, ordinateur.


Mais le degré d’étrange augmente quand, à l’autre bout de la planète, les mots de la vie courante sont empruntés au français, plutôt qu'à l'anglais. Ceci, bien sûr, dans la perspective qu’un héritage colonial infligé à un peuple puisse nous amuser, quand, quelques décennies plus tard, tout le monde est rentré chez lui.


Ça pourrait faire un beau jeu dans les partys de Noël : « Hey ! Devine qu’est-ce que le Viet raconte ! ».



Cô nhắc

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Pê đê

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Ca pốt

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Xu chiêng

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** Cognac – Homosexuel – Condom – Soutien-gorge

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