31 octobre 2010

Il n'y a personne qui s'appelle Steve

Les diminutifs sont très communs, sont même la règle, aux États-Unis ; c'est le cas pour la plupart des noms, sauf les noms très courts. Par exemple, une femme qui s'appelle Katherine va plutôt utiliser Katie ou Kate dans la vie de tous les jours, et Catherine, Cathy. Certains noms ont plusieurs diminutifs; par exemple William (en français Guillaume) devient Will, Bill ou Billy. Aussi, plusieurs noms peuvent avoir le même diminutif, par exemple une Kate peut aussi s'appeler en fait Kathleen.

Ça m'a pris un peu de temps avant de comprendre le système. Dans mon programme, il y a plusieurs gars qui s'appellent Dave, mais dans tous les cas, sur papier, leur nom est David. Au début, j'ai pensé « tiens, c'est une drôle de coïncidence, tous ces David se font appeler Dave!» Le fait est que personne ne s'appelle Dave, et que sauf une très très rare exception, c'est un diminutif pour David. Même chose pour Steve, qui est le diminutif de Steven ou Stephen (en français Stéphane ou Étienne).
Une fois de temps en temps, je rencontre un(e) Américain(e) qui me dit: je connais un Québécois, et il s'appelle Dave (ou Steve). Il ne s'appelle pas David, sur papier il s'appelle Dave. It's so weird! Il n'y a personne qui s'appelle Dave!

Remarquez, il n'y a rien de mal à cela. L'incompréhension entre les peuples et les langues est probablement une source appréciable d'innovation linguistique. (J'ai souvent entendu des histoires expliquant l'origine des mots Canada, Istanbul et Kangourou par un malentendu, mais au meilleur de la connaissance de Wikipédia, ces histoires ne sont pas vraies.)

Quand je me présente en tant que Jonathan à des Américains, très souvent ils m'appellent Jon, parce que c'est la règle. Même certaines gens avec qui je communique fréquemment par écrit (courriel) où je signe Jonathan continuent de m'appeler Jon. Ou John, qui est la version anglaise de Jean. (Je connais deux ou trois John qui se font appeler Jonathan de temps à autre alors qu'ils sont juste des John, mais c'est une autre histoire.)

En passant, parlant de noms, quelle est la traduction de John Smith? Le mot smith est un forgeron, en moyen français fevre (aussi écrit febvre, fabre, etc. ; pensez à orfèvre en français moderne). Donc la traduction du nom très commun John Smith serait Jean Lefebvre (ou Jean Fabre, mais je crois que Lefebvre est plus commun au Québec.) C'est un jeu amusant. Par exemple, Stephen Harper devient Étienne Harpiste ; mais comme je ne connais personne avec le nom de famille Harpiste, peut-être que Étienne Courtemanche serait une meilleure traduction? (Il me semble que je ne voudrais pas jouer de la harpe avec des grandes manches.) C'est peut-être un bon jeu pour le temps des fêtes, avec celui qu'Olivier a proposé dans son billet sur l'architecture et le Vietnam...

28 octobre 2010

L’architecture en langue vietnamienne.

Je suis architecte.


J'étudie trop pour une profession où on apprend plus à la pratique, mais j'effleure quand même le travail, ici et là, maintenant à Tokyo, hier à Hanoi, au Vietnam.


Au Japon, c'est impossible de recevoir la moindre reconnaissance pour notre valeur professionnelle si on ne parle pas le japonais. Il faut plutôt apprendre à mettre notre sens critique à zéro, entrainer nos mains à accomplir des tâches comme le font les machines, tout en posant le moins de questions possible. Comme ça on nous fait bien comprendre que ça ne requérait effectivement aucune aptitude linguistique pour bosser chez les nippons. Je ne m'étalerai pas sur le Japon pour l’instant, mais pour des références sur les limites de l’amertume en sol asiatique, voir Stupeur et Tremblements (1999) d’Amélie Nothomb, ou bien sûr, Lost in Translation (2003) de Sofia Coppola.


Je choisis plutôt ici le Vietnam pour illustrer les quelques détours d’une langue étrangère dans la vie d'un jeune professionnel.


AH ! Le Vietnam.


J’y parle vietnamien, mais très modestement.

Je peux surtout y parler l’anglais avec une portée confortable. Ça fonctionne.

Mais je suis avant tout francophone. Et c’est là que ça devient rigolo.


L’architecture autre que celle vernaculaire (disons l’architecture au sens Beaux-Arts du terme) n’est pas réellement apparue au Vietnam avant que les français colonisent la région dans la deuxième moitié du 19e. Croyez moi, ceci est un billet qui essaie aussi d’être léger, je me permets donc quelques sauts chronologiques, pour dire qu’il existe au Vietnam toute une génération d’architectes (et donc de bâtiments) qui sont d’héritage « École des Beaux-Arts de Paris ». À un moment, le seul sceau d’architecte qui était valide était celui français. On gardait ainsi un bon contrôle sur la production architecturale. Les quelques pionniers vietnamiens qui ont pu aller étudier à Paris l’ont fait au moment où l’architecture mondiale passait de la « lourdeur » Beaux-Arts à la « légèreté » moderniste: un style international, avec des nouveaux procédés constructifs, des nouveaux outils, des nouveaux types de matériaux, des nouvelles technologies.




Que se passe-t-il alors, quand il faut trouver le vocabulaire pour cette nouveauté technique, dans une langue déjà à la portée du colonialisme ?



Vocabulaire Vietnamien …

… en Français

Bê tông

Béton

Xi măng

Ciment

Vít

Vis

Tuc nơ vít

Tournevis

Ê cu

Écrou

Bù loong

Boulon

Cờ lê / mỏ lét

Clé à molette

Cáp

Câble

Ê ke

Équerre

Com pa

Compas

Mét

Mètre

Lít

Litre

Am pe

Ampère

Đúp

Double

Ga

Gare

Xi lanh

Cylindre

Cao su

Caoutchouc

Vẹc ni

Vernis

Amiăng

Amiante

A xít

Acide

Ca rô

Carreau

Bi đông

Bidon

Ba lô

Ballot

Phin

Filtre

Pin

Pile (batterie)

Van

Valve

Ăng ten

Antenne

Côngtenơ

Conteneur

Lơ Cot-Buy-Giê

Le Corbusier

Ép phen

Eiffel

Ác si mét

Archimède


Et aussi pour la vie de tous les jours :


Gia nã đại

Canada

Giăm bông

Jambon

Kem

Crème glacée

Xà phòng

Savon

Phó mát

Fromage

Cát xét

Cassette

Sôcôla

Chocolat

Bích quy

Biscuit


Je ne connaissais que quelques mots, qui résonnent couramment dans le vocabulaire de tous les jours, mais je me suis aidé ici d’une liste relativement exhaustive trouvée sur un blog de jeune vietnamien. En bout de ligne, on y perd toutes idées de Beaux-Arts et même d'architecture. On bascule presque dans le "garagisme". Peu importe.


Dans toutes les langues, il y a beaucoup de mots en provenance des nouvelles technologies qui évidemment ont été internationalisés, mais ils sont presque toujours tirés de l’anglais.


Par exemple, cette semaine, j’apprenais à écrire en japonais (non, il n'est pas question du jeu de mots j'apprenais-japonais) :


コンピュータ, konpyuuta, computer, ordinateur.


Mais le degré d’étrange augmente quand, à l’autre bout de la planète, les mots de la vie courante sont empruntés au français, plutôt qu'à l'anglais. Ceci, bien sûr, dans la perspective qu’un héritage colonial infligé à un peuple puisse nous amuser, quand, quelques décennies plus tard, tout le monde est rentré chez lui.


Ça pourrait faire un beau jeu dans les partys de Noël : « Hey ! Devine qu’est-ce que le Viet raconte ! ».



Cô nhắc

____________________________

Pê đê

____________________________

Ca pốt

____________________________

Xu chiêng

____________________________


** Cognac – Homosexuel – Condom – Soutien-gorge

Les sacres québécois

Les localismes québécois me font maintenant sinon rire, sinon sourire chaque fois que je les entends.

"Maudit ksé platte." Maudit qu'j'entends pas ça assez souvent.

Un étudiant m'a envoyé un lien, récemment, vers un extrait du fil La Matrice où Wilson Lambert sacre en français. Je ne me souvenais plus de cette scène, ici.

J'ai dû lui répondre que les sacres chez moi sonnent très différemment. J'ai répliqué en envoyant une scène de Bon Cop Bad Cop, où un policier québécois donne quelques leçons de "sacrage" à un policier ontarien.

Ça m'a rappelé les leçons que je donnais à Toronto.

Mais vraiment, j'ai ri le plus en écoutant la lettre (le vidéo est nul) suivante, une plainte au Premier Ministre à propos du protocole de renouvellement des passeports.

Disons que je ris un peu jaune, en pleine campagne d'applications de recherche post-doctorale: les formulaires et exigences canadiennes sont vraiment à pleurer.

19 octobre 2010

Les nouvelles scientifiques en français

Quand j'étais jeune, je consommais beaucoup de vulgarisation scientifique en français. Si j'exclus les livres qui ont un « cycle de vie » différent, mes sources étaient les émissions de qualité à Radio-Canada et Télé-Québec, Québec Science à la bibliothèque, le journal (nous avions Le Soleil à la maison) et, plus tard, le Web. Aujourd'hui, comme je travaille en science et que je n'ai plus accès à la télévision québécoise (je n'ai pas de télé, de toute façon! Et tou.tv ne marche pas aux USA...) la vulgarisation que je rencontre m'arrive par hasard soit sur Cyberpresse, soit parce que mon père garde des articles du Soleil et du Journal de Québec qu'il me donne quand je vais chez mes parents. Il m'arrive souvent de ne pas comprendre ce dont il est question parce que la découverte est « trop vulgarisée », alors quand ça pique ma curiosité je dois rechercher le nom de l'auteur cité dans l'article sur Internet pour trouver un meilleur article en anglais (les articles en anglais ne sont pas tous meilleurs, mais il y a une bien plus grande variété de sources) ou remonter à la page du chercheur ou l'article original. Les nouvelles scientifiques sur Cyberpresse (la version électronique de La Presse et du Soleil) leur viennent à travers l'Agence France-Presse et sont de piètre qualité. Je lis de moins en moins le site Web de Radio-Canada ; leurs nouvelles scientifiques ont souvent la même provenance, mais sont éditées par Radio-Canada.

« notre » amas de galaxies
La semaine dernière, un article écrit par mon groupe de recherche est paru dans le Astrophysical Journal, et en même temps (soit le 13 octobre), un communiqué de presse (disponible ici) a été publié par Harvard-CfA. (Ne cherchez pas mon nom, il n'y apparaît pas comme je suis deuxième dans la liste des auteurs!) Nous avons été surpris de voir à quelle vitesse la découverte, intéressante mais pas révolutionnaire, a été reprise par la presse. Dès le lendemain matin, le 14, la nouvelle était publiée à plusieurs endroit, et en fin d'après-midi, une recherche pour « Brodwin » (l'auteur principal) sur Google News donnait le nombre d'articles suivant:
31 en anglais
25 en russe
8 en espagnol
1 en estonien.

La nouvelle est assez populaire pour s'être retrouvée à la une de digg il y a deux jours.

Ce matin (le 19 octobre), par curiosité, j'ai fait la même recherche, pour trouver:
59 en anglais
39 en russe
27 en espagnol
12 en chinois
2 en hongrois
2 en vietnamien
2 en allemand
1 en japonais
1 en polonais
1 en finnois
1 en indonésien
1 en slovaque
1 en néerlandais
1 en tchèque
1 en roumain

C'est anecdotique, mais je ne suis pas surpris de voir que le français ne s'y trouve pas. Si la tendance se maintient, 3-10 jours l'Agence France-Presse va traduire le communiqué de presse, peut-être l'éditer un peu pour le rendre moins précis, et ce sera là la diffusion en langue française.

Je n'ai pas de problème à ce que des fils de presse existent pour les nouvelles internationales, mais je constate qu'ils semblent être moins bons en français que dans une multitude d'autres langues pour les sciences. Quels en sont les impacts est une question difficile à répondre, mais je doute que ce soit positif.

Il y a aussi que sur le Web, le français est sous-représenté. Mais ça c'est une autre question à laquelle je vais revenir. Quant à la nouvelle en question, je veux bien l'expliquer en français. Mais je vais attendre de 3 à 10 jours pour voir si ma prédiction se réalise.

15 octobre 2010

Spéculation sur l'identité de Marie Stella, les deux pieds dans le chocolat

Qui est-ce qui l'a c'est Marie Stella
Les deux pieds dans le chocolat
C'est une comptine qui faisait partie d'un jeu avec un ballon, quand j'étais jeune, et que plusieurs Québécois doivent connaître. En tant qu'adulte, deux questions me viennent immédiatement à l'esprit:
Q. Qui est cette mystérieuse Marie Stella?
Q. Pourquoi a-t-elle les deux pieds dans le chocolat? (Ça semble n'avoir aucun sens!)

Je pense pouvoir répondre à ces deux questions. Pour vrai.

Description du jeu

Si je me souviens bien, le jeu va comme suit, et demande au moins trois joueurs et un ballon. L'un des joueurs commence avec le ballon, appelons ce joueur « la Poule » ; c'est une terminologie standard à St-Charles-de-Bellechasse. La Poule lance le ballon derrière elle, puis les autres attrapent le ballon et forment un rang, avec les mains derrière le dos, où l'un des joueurs cache le ballon. Les joueurs disent ensemble:
Qui est-ce qui l'a c'est Marie Stella
Les deux pieds dans le chocolat!
La Poule se retourne, et essaie de deviner qui a le ballon. Si elle perd, elle reste la poule, sinon celui ou celle qui avait le ballon devient la poule. Simple non?

(Comme le but du jeu est manifestement de ne pas être la poule, avec le recul il me semble que la stratégie optimale aurait été de ne jamais prendre le ballon derrière son dos et de laisser les autres le faire, mais bon je suis probablement plus compétitif que la moyenne des enfants de six ans. Mmmm... J'en informerai mes enfants et ils gagneront toujours contre leurs cousins!)

La stella maris

Je me suis mis à penser à tout ça parce qu'hier je suis tombé par hasard sur maris stella, l'étoile de la mer, un autre nom pour l'étoile polaire et pour Notre-Dame-de-l'Assomption, un avatar catholique de la vierge Marie. L'ordre des mots étant moins important en latin (grâce au cas), on dit aussi stella maris (par exemple dans la belle chanson Je ne veux pas dormir ce soir de Jean-Pierre Ferland).

Ave Maris Stella est un hymne des vêpres et une prière autorisée pour la liturgie des heures catholique.
Ave maris stella,
Dei mater alma
Atque semper virgo
Felix caeli porta

Drapeau Acadien - Photo de djking
La stella maris est l'étoile jaune sur le drapeau Acadien, et il se trouve que Ave Maris Stella est l'hymne national Acadien.

Mon hypothèse

Comme le nom Marie Stella (ou le prénom Marie-Stella) est peu fréquent, je propose donc que la comptine est née de la prière latine (à travers l'Acadie ou la religion, peu importe ; cette supposition est probablement impossible à prouver, mais raisonnable...) Donc

Q. Qui est cette mystérieuse Marie Stella?
R. Elle est nulle autre que Maris Stella, c'est-à-dire Notre-Dame-de-l'Assomption, c'est-à-dire la vierge Marie. En ce sens, la comptine est blasphématoire.

Q. Pourquoi a-t-elle les deux pieds dans le chocolat? (Ça semble n'avoir aucun sens!)
R. Si la comptine est en effet inspirée d'un texte latin, un enfant (ou autre inventeur de comptines) ne parlant pas latin y substituera un texte français n'ayant aucun sens.


Photo de keinepanik

10 octobre 2010

L'étymologie du mot blogue

Voici un billet un peu plus léger que mon premier, un peu pour montrer à mes collaborateurs que je ne serai pas toujours aussi lourd.

Le mot blogue, recommandé par l'Office québécois de la langue française, ou blog comme il semble être écrit plus souvent en France, vient de l'anglais blog, une contraction de web log. Log ou log-book est un journal, et est à l'origine un terme maritime : pour mesurer la vitesse d'un navire, les marins jetaient un morceau de bois (a log est une bûche ou un billot) attaché à une corde portant des noeuds à intervalles réguliers. Le nombre de noeuds tirés en trente secondes donnait la vitesse du bateau, qui était écrite dans le journal de bord, le log book, littéralement « le livre de la bûche.»

Certains ont tenté de traduire blog par « journal web ». Pensant à peut-être suggérer un nouveau mot 100% francophone pour remplacer blogue, j'ai remonté la chaîne étymologique d'un niveau et cherché la traduction française de log au sens maritime, et c'est loch. C'est le même mot, la même origine, donc ça ne m'avance pas. Fait intéressant, la corde portant les noeuds s'appelle une houache, mais je ne suis pas prêt à associer le mot « houache » à mon écriture (ou celle de mes collaborateurs, triés sur le volet).

Je suis donc contraint de remonter l'étymologie d'encore un cran, au morceau de bois. Et c'est avec fierté que j'introduis le néologisme billet (de billot, « log ») pour désigner les articles publiés sur un blogue.

La langue française me remercie.

De rien.

La citoyenneté canadienne « diluée » à l'étranger?

Il y a deux mois, j'ai reçu une lettre d'Élections Canada:
Monsieur,
Nous vous informons par la présente que votre nom sera radié du Registre international des électeurs d'Élections Canada en date du ...
etc.
Je perds mon droit de vote, comme je vis aux États-Unis depuis cinq ans. (Évidemment, je peux le retrouver en déménageant au Canada.) Je savais que ça viendrait, et il y a déjà trois ans que je ne peux plus voter au provincial, mais ça m'a quand même fait quelque chose, et ça m'a fait réfléchir à la signification de la citoyenneté canadienne. Je m'explique.

Dans certains pays, la citoyenneté semble être une condition suffisante pour avoir le droit de vote (sauf pour les prisonniers, ce qui est un sujet intéressant, surtout aux États-Unis où la population carcérale est énorme, mais je n'en parlerai pas ici comme ça ne s'applique pas à moi!). Par exemple, les citoyens américains peuvent voter peu importe le temps passé à l'étranger ; aussi, une amie qui est née et a grandi au Québec et qui a aussi la citoyenneté française a le droit de vote en France. D'autres pays, à la diaspora plus importante, tentent explicitement de prendre en compte les citoyens expatriés : le sénat italien compte depuis 2001 quatre sièges pour les représentants élus par les citoyens italiens vivant à l'étranger (respectivement en Europe, Amérique du Sud, Amérique du Nord, et reste du monde) ; plusieurs pays est-européens ouvrent des bureaux de vote à l'étranger lors d'élections et référendums.

Alors que je perds mon droit de vote après cinq années passées comme étranger non-immigrant (étudiant) aux États-Unis, continuant à remplir mes rapports d'impôt au Québec et au Canada, je ne peux m'empêcher de penser que comme Canadien (et Québécois) à l'étranger je suis un peu moins canadien (et moins québécois) qu'un Français à l'étranger n'est français.

Je suppose sans vraiment savoir que cette clause de la loi électorale a une longue histoire et ne découle pas de l'esprit de la politique multiculturelle canadienne; par exemple, le Royaume-Uni dont nous héritons tant de caractéristiques politiques a une expiration similaire du droit de vote, mais après quinze ans. Mais je ne peux m'empêcher de spéculer que la loi serait différente si le Canada avait une identité nationale plus forte.

Je n'écris pas ce billet pour me plaindre, seulement pour dire que je constate que ma citoyenneté est diluée, et si c'était de moi, il en serait autrement. Même si j'ai toujours exercé mon droit de vote, une partie de moi pense comme cette partie importante de la population qui ne vote pas que je ne manque pas grand chose, mais je serais particulièrement triste de mon sort s'il devait y avoir, par exemple, un référendum sur la souveraineté du Québec sans que je puisse faire mon « devoir de citoyen.» Mais ce n'est pas dans les cartes pour cette année...

Avis aux politiciens: si vous promettez d'allonger la période, par exemple, de cinq à quinze ans, vous pourrez compter sur le vote de plusieurs Canadiens qui sont à l'étranger... Il me semble que ce serait une belle idée pour le Parti Libéral, comme M. Ignatieff a longtemps vécu à l'étranger, ou pour le Bloc, qui travaille à défendre l'identité nationale des Québécois.