13 février 2011

Pur comme la pluie

Être loin a ses avantages. On apprend les nouvelles après tout le monde, on prend sa petite marche tranquilos, laïli laïlo, jusqu’au jour où on sent cette... chose. Merdre, qu'est-ce donc que cette pluie de petits lardons tièdes et suintants qui s’abat ainsi sur ma pauvre vieille tête, qui me dégouline sur le cou? J’examine les débris. La langue volubile jusqu'au grotesque. Le site web qui le présente comme un “penseur supérieurement intelligent”. L’obsession à aborder l’histoire comme un politicien plutôt qu’un universitaire (“il n’y a qu’une histoire, nationale, épique, la Vérité qui sert à édifier nos enfants”). Oh oui, on en attendait, un comme ça, depuis tellement longtemps qu’on commençait à espérer qu’il ne viendrait jamais. Môman, je pense que j’ai un Mathieu Bock-Côté dans l’oreille.

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Mathieu Bock-Côté est en croisade. Une croisade défensive, une croisade pleine d’innocence, comme toutes les croisades l'ont toujours été. Il répète et répète, et parfois même répète encore, qu'il veut défendre la culture québécoise. C’est ce qui justifie son conservatisme: Sus aux ceuzes qui dévient de... de... Et tout à coup, on réalise qu'il ne fait pas le moindre effort pour définir cette "Culture Québécoise" qu'il semble pourtant mettre au centre de son discours.

La première étape, bien sûr, consiste à renier le mythe fondateur de la Révolution Tranquille. Comme on devrait le faire plus souvent, d'ailleurs: Il y a quelque chose de pathologique à essayer de se convaincre que le Québec est né par génération spontanée il y a cinquante ans, que nos grand parents ne nous ont légué aucun bagage culturel. Mais depuis quand reconnaitre une filiation signifie qu’il faut nécessairement la célébrer? Et plus encore, que nous apprend-elle sur nous-mêmes? Qu'on a la capacité de mettre des fondamentalistes religieux au pouvoir? De se rentrer la tête dans le cou et endurer les pires injustices comme un peuple à genoux attendant sa délivrance? De remettre aux Français --aux Français!-- le monopole de la haute culture? De nourrir le système politique le plus corrompu en Amérique du Nord? Est-ce que c'est ça, la "Culture Québécoise" que Mathieu Bock-Côté évite si furieusement de définir?

Les gens qui écoutent Mathieu Bock-Côté parler (sans être eux-mêmes Mathieu Bock-Côté, qui compte quand même pour beaucoup dans son audience) noteront sans doute que, malgré sa supposée obsession pour une identité québécoise qui trouve ses racines bien avant la Révolution Tranquille, il parle aussi souvent d’immigrants que des gens qui portent l’identité Québécoise. De Musulmans que de Catholiques. De ceux qui menacent que de ceux qui sont menacés. Et soudainement, tout devient clair. Ce qui l'intéresse, dans cette histoire de défense de la culture québécoise, c'est le "contre qui". Voici un projet de société qui est centré sur la tâche d’identifier ceux qui “ne sont pas comme nous autres”. C’est un plan d’une beauté sans nom, un plan qui n’a bien évidemment aucune chance de mal tourner.

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Être loin a ses avantages. Je me plains sans arrêt, à mes amis, à ma copine, à ma famille, que je me meurs de retourner au Québec. Mais Mathieu Bock-Côté m’a peut-être offert ce que j’attendais depuis longtemps: Une bonne raison de ne pas revenir. Parce que l’idée d’habiter dans un pays bâti sur de telles fondations, elle me lève le coeur. Comme une pluie de petits lardons suintants.

2 commentaires:

  1. Je n'ai pas eu la chance (?) de lire ou entendre Mathieu Bock-Côté, si ce n'est de quelques minutes que je viens de passer sur son site Web. Mais tu me sembles un peu grandiloquent de dire que c'est une raison de ne pas revenir au Québec : même si la question de l'identité prend une résonance différente dans le contexte québécois, la notion implicite d'identité par exclusion n'est pas différente de celle présentée dans d'autres discours politiques réducteurs aux États-Unis ou en Europe, non?

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  2. Je semble grandiloquent parce que je *suis* grandiloquent;-) Évidemment, je pousse un peu pour l'effet dramatique. Mais j'ai toujours trouvé qu'il y avait quelque chose de réconfortant dans le caractère marginal et désorganisé de la droite nationaliste au Québec (limitée à quelques jappements de radio-poubelle et de votre concessionnaire Chrysler élu sous la bannière ADQ), qui en faisait quelque chose d'essentiellement inoffensif. Bock-Côté, contrairement à ce qu'il croit sans doute lui-même, n'est pas le moteur mais bien le symptôme de la chose qui me dérange vraiment, à savoir une droite fielleuse, organisée, capable en altitude de voter des lois qui officialiser le sentiment d'exclusion de ceux qui ont commis le péché de ne pas parler français avec le bon accent et les bonnes couleurs de lèvres et, au ras des pâquerettes, de générer une frange qui mettra le feu dans leurs maisons.

    C'est désorientant, parce que ça touche directement à cette ouverture dont on a prétendu pendant deux générations qu'elle était l'essence même de l'identité québécoise. Mais bon, pour l'instant je continue à me sentir immédiatement chez moi à chaque fois que je reviens...

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